73 – lost

Dimanche 4 juillet

Lost in Traplanta de Mathieu Rochet

Lost in Traplanta est une petite série documentaire qui a de quoi réjouir. Non seulement elle est pleine d’humour, mais elle montre un monde auquel on a peu accès, à savoir la communauté noire du sud des États-Unis. Le documentaire retrace le parcours d’Outkast, le célèbre groupe formé à Atlanta en 1992 par Andre 3000 et Big Boi et dont l’influence plâne encore sur toute la ville. Eux sont partis vivre ailleurs depuis longtemps, mais Larry enquête et retrouve des collaborateurs occasionnels et des proches, en même temps qu’il découvre l’actuelle vie musicale d’Atlanta. Malgré le ton comique du film, on perçoit parfaitement comment les jeunes hommes – peu de femmes apparaissent si ce n’est les danseuses de la boîte à la mode de la ville : le sexisme visiblement fait loi – se sont débrouillés il y a vingt ou trente ans, à l’époque où les membres d’Outkast se sont rencontrés, et comment les générations suivantes ont dû se débrouiller elles aussi par le deal et la musique. Toute cette communauté est depuis longtemps livrée à elle-même. Et la pauvreté de ses membres n’est pas que matérielle, elle est aussi et surtout intellectuelle. Pour autant, et c’est ce qui rend ce film si enthousiasmant, certains ont su développer une expertise propre, une pratique musicale dont ils tirent une sorte de joie désillusionnée. Ils ont inventé la trap music, apparentée au reggae mais qui, par son côté à la fois glauque, fatigué et érotique, me semble avoir davantage à voir avec le trip-hop. Il ne s’agit pas de faire preuve d’une naïveté béate. Ici c’est le mélange constant de dénuement extrême, d’abrutissement – nombre des interlocuteurs de Larry sont défoncés – et malgré tout, d’énergie qui est le plus touchant. Les plus jeunes, explique un vétéran, ne parviennent plus à faire évoluer leur musique. Il assure qu’aujourd’hui la trap d’Atlanta piétine car les instruments ont cédé la place à des beats pré-enregistrés. Mais on n’est pas obligé de croire ce discours pessimiste, qui est le propre des gens nostalgiques de leur propre jeunesse. La vie est bien là, toujours palpable. Et l’on peut espérer que le sud ait toujours quelque chose à dire.

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