250 – partie III

Vendredi 16 septembre

Pas assez avancée à ce stade. C’est la partie la plus nette, la plus claire dans mon esprit mais aussi la plus difficile à écrire. Elle doit former un tunnel.

Pour le moment, j’ai beau ciseler, je la trouve toujours trop larmoyante. Il ne faut sur ce point aucune ambiguïté : il n’y aura dans la parole prononcée aucun épanchement. Je ne peux pas poster cette partie-là sans la travailler davantage (et alors, mon soudain désir de publication sur le blog n’aura été qu’une ruse de la raison pour me remettre au travail – pas sûr que ça suffise).

Dans cette dernière partie, je voudrais que la parole qui se dévide soit glaciale. Non pas inutilement cruelle : il faut juste que cette parole exclue toute possibilité de sentimentalité. Au point que, même si le personnage vient à évoquer dans son récit une émotion passée, rien de cette dernière ne soit réactivé. Que le locuteur parlant de tristesse ne semble pas triste. Que le mot qui la désigne apparaisse pour ce qu’il est : un mot désignant un fait. Et rien d’autre. Or ça c’est déjà un effet bien, bien dur à produire.

Mais en même temps, je voudrais qu’une telle parole soit une délivrance. Qu’elle dessine dans son déploiement un mouvement de libération, un élan.

Pas parce que la parole se libérerait soudain (surtout pas !). Personne, dans ce texte, ne cherche à se soulager. Mais parce que la parole en se resserrant, en allant à l’essentiel, amplifie le réel ; je veux que les sons des mots prononcés délient le langage et ce qu’il retranscrit, à savoir la vie même. On pourrait voir une contradiction avec ce que je disais précédemment (et mon exemple de l’émotion). Mais non. Ce sont deux trajectoires indépendantes. Parler du passé, triste ou heureux, ne doit pas rendre mon personnage triste ou heureux. Mais parler de ce qui est (ou a été), triste ou heureux, génère ici une forme de puissance (une grâce ?).

J’aimerais donc que cette parole soit une libération pour celui qui parle, bien sûr. Mais aussi une libération pour le lecteur.

Qu’en découvrant ce que l’autre a à raconter, celui-ci fasse l’expérience de la vérité crue comme voie de salut.

Et le plus important de tout. Que l’évocation des faits dans leur complétude s’avère le seul acte d’amour véritable.

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