261 – l’essence

Jeudi 20 octobre

Hier soir, une demi-douzaine de personnes s’est relayée pour m’expliquer les subtilités de la notion de travail chez Bernard Friot en passant, entre autres choses, par les catégories marxistes de travail concret et de travail abstrait. Ils l’ont fait pendant une bonne demi-heure, l’un après l’autre (l’économie est pour moi comme une autre langue, une langue instable. Je la comprends avec beaucoup de difficulté), tout en me conseillant des lectures ou des vidéos faciles pour que je puisse consolider ces notions. Certains veulent même m’envoyer des extraits de textes théoriques. Tous l’ont fait sans que j’aie d’examen à préparer, à plus de 22h30, et alors que je leur répétais que je trouverais bien toute seule, qu’ils ne devaient pas s’embêter pour moi (nous avions la poursuite du séminaire de Réseau Salariat à préparer). Je crois que c’est la première fois que je me retrouve dans une telle situation. Celle d’un enseignement collectif, prodigué gratuitement, c’est-à-dire sans autre but que de répondre à mes interrogations. Ça m’a émue. Je ne peux le dire autrement.

Un tel moment,

+ l’invitation récente de ma prof de sport à venir m’entraîner avec elle

+ les discussions que je poursuis, année après année, avec mes proches ;

cette attention à l’autre sans autre cause qu’elle même, je la considère comme un aboutissement. Je me moque complètement (complètement) de mon pouvoir d’achat. Le prix de l’essence que j’utilise chaque jour peut bien augmenter, je suis de toute façon incapable de calculer la différence. Pas une minute de mon temps de cerveau disponible n’est consacrée à ces tracas supposés du quotidien. Je refuse de le faire, ne le ferai jamais. Ce vers quoi les journaux déploient tant d’énergie à diriger toute mon angoiiiiiiiisse me laisse une fois de plus de marbre. Soudain, il faudrait que je craigne que la merde dont le monde est fait vienne à manquer. « Tentative nulle », nous dirait Cyrano. Ils peuvent affirmer ce qu’ils veulent : une vie où de telles relations – celles que je tisse avec mes semblables – sont possibles est une vie où rien ne manque.

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