60

Dimanche 13 juin

Avec Haute couture, la réalisatrice Jocelyn Moorhouse réactive le motif de l’héroïne maltraitée par toute une communauté, tel que je l’avais découvert dans Dogville il y a maintenant quelques années. À ceci près qu’à l’extrême économie de moyens visuels et la froideur qui caractérisent le film de Lars von Trier s’opposent ici l’effusion de couleurs et l’agitation des personnages. Ce n’est pas ce qu’a priori j’y ai préféré. Et pourtant, le traitement de l’histoire de cette jeune femme éloignée du village lorsqu’elle était enfant et qui revient s’occuper de sa mère après avoir réussi une carrière dans la haute couture a quelque chose de très plaisant. Il laisse tout le temps miroiter à tort une issue favorable. On se croit d’abord dans un conte pour enfants où les malheurs adviendraient pour n’être que temporaires. Les rapports avec certains villageois s’améliorent un temps, des amitiés et des amours peuvent surgir : allez on y croit, Tilly l’héroïne a de l’énergie, elle est du genre à accomplir des miracles, et tout va bien se passer. Et puis finalement pas du tout. Les bonheurs seront de courte durée et la situation condamnée à devenir plus sinistre encore (Tilly se dit maudite et en effet elle doit l’être). Il faut arriver à la dernière minute du film pour conclure que cette histoire ponctuée de mini-gags, de scènes cocasses et bariolées où apparaissent d’excentriques personnages n’avait rien de drôle ; que personne ne se mariera ni n’aura d’enfants et que d’ailleurs c’est sans doute mieux ainsi. En devenant déceptif de bout en bout, ce film dont la jovialité forcée s’est transformé en une forme plus profonde et plus enthousiasmante que prévu. Le film tient en réalité sur une ligne de crète assez inédite : ici, pas de plaisir sadique (rien à voir avec le massacre perpétré par une Nicole Kidman renouant avec son ascendance mafieuse), pas de masochisme (rien ne permet de s’apitoyer durablement sur le sort des personnages), pas de joie malgré tout comme dans Trois visages, mais pas de mièvrerie non plus. Improbable équilibre.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *