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Vendredi 9 septembre

Lorsque je me plains – car cela peut m’arriver, par mégarde – de ne pas avoir de lecteurs, mon ami me rappelle qu’il ne peut en être autrement. « Ce que tu fais, c’est comme aller tous les dimanches punaiser un nouveau billet sur le mur de la salle communale », m’a-t-il dit l’autre jour.

J’adore cette phrase. L’image est parfaite de vérité. C’est effectivement une volonté délibérée de ne pas faire la publicité de mes publications. J’ai suffisamment pratiqué l’autopromotion pendant ma période militante pour savoir comme la question de l’audience (de la visibilité) tronque la manière de penser et de dire. Écrire en ayant en tête ses lecteurs condamne à chercher d’abord à les séduire. On pourrait dire dans ce cas : écrire à quelqu’un c’est tromper. Or je ne veux séduire personne. Je veux aller au plus juste. Au plus près de ma propre pensée ; observer mes états (du corps, car il n’y a pas d’idées, mais seulement des états du corps), dans et par ma réception des œuvres des autres.

L’absence de lecteurs – l’absence, à vrai dire, du moindre encouragement, mais pourquoi diable devrait-on m’encourager ? – ne saurait être l’unique raison de la réduction de mes publications. Je crois de toute façon qu’en matière d’écriture, que l’on soit célèbre, reconnu, mauvais, talentueux, populaire ou isolé, discret, besogneux, modeste et même hyper arrogant, au bout du bout l’on se retrouve toujours seul ; avec ses phrases ; avec les mots. Seul à triturer.

Je le sens déjà. Toutes ces considérations sont bien jolies. Mais elles s’avèrent de peu de poids face aux faits. Or les faits ici sont limpides : ces dernières semaines le sport a pris dans mon quotidien une place bien plus importante que la lecture et l’écriture réunies. Écrire n’est absolument plus une priorité. Je n’y suis plus. Je suis ailleurs. Quand j’ai du temps je vais courir, sauter, soulever. Me triturer la matière. L’éprouver. Rien d’autre. Je ne me suis jamais autant amusée.

Voilà. Ce ne sont pas les changements que j’attendais en début d’été, mais c’est bien avec ce réel qu’il faut composer. Et je fais plus que m’en satisfaire : je m’en réjouis. Il est possible que je continue à publier encore un billet de temps en temps, car l’art et les procédés de création n’ont évidemment pas fini de m’intéresser. Mais le rythme ne sera plus le même.

Toutefois, j’ai bien envie de rassembler dans le blog les passages du roman inachevé que j’ai écrits tous ces derniers mois. Ce sera donc l’équivalent de quelques dizaines de pages, laissées à l’abandon. C’est mon côté Céline. J’aime bien l’idée que des heures d’écriture se tiennent là, en l’état, à portée de clic et de vue de n’importe qui. Quant à moi j’irai faire du sport jusqu’à plus soif et un jour peut-être j’y reviendrai pour finir le travail.

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