31 – génération spontanée

Mercredi 28 avril

De fil en aiguille, lorsque je reviens sur les livres découverts et évoqués toutes ces dernières semaines, ces livres qui, chacun à sa façon, m’ont si fortement marquée, il semblerait qu’une autre convergence inattendue est en train de s’opérer. Non pas au sein de ces romans mais d’un roman à l’autre. Ainsi, entre la cruelle irréversibilité dans les récits de Tanguy Viel (2), l’évocation des hommes fendus de Camille de Toledo (5), le traitement que fait Joy Sorman de la peau malade (15), le recours à de multiples voix narratives pour faire le tour complet d’un événement comme des fils refermant une blessure (28), le jeu des équivalences chez Witold Gombrowicz (29) et le « procédé Keizer Söze » de Javier Marías (30), autant de traits que j’ai agrippés parmi sans doute mille autres, une autre forme, plus intime, se met doucement en place.

Bien sûr, je réfléchis beaucoup à tout cela et ce blog est devenu la trace de mes vagabondages. Mais en même temps, une partie de moi regarde un dispositif prendre corps de lui-même. Elle ne fait même pas autre chose que cela : regarder. Cette génération spontanée force l’admiration. Toutefois un dispositif, aussi bon soit-il, ne fait pas un roman. Le 11 avril déjà, je constatais à la fin de ma petite démonstration (une étape parmi d’autres) que « ça ne fait pas une histoire ». En revanche, pour peu qu’on s’y rende disponible, observer des procédés d’écriture peut mettre l’imaginaire en mouvement. Ce matin, alors que je terminais la lecture d’Un coeur si blanc, une histoire – une tout autre histoire que celle que je venais de finir – s’est imposée (et ce, grâce à l’exceptionnel dispositif narratif de Marías). À présent donc, je sais ce qu’il faudra raconter. Je sais quel morceau du réel prendre à bras le corps parce que je tournais autour depuis longtemps sans savoir comment m’y prendre. Mais ça vient, comme on dit. Il faut se réjouir de ces épiphanies. Mais surtout, maintenant la règle est simple : NE PAS SE PRÉCIPITER.

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